Monday, October 03, 2005

Sus au viol

Danièle Zucker, présidente du Groupe de travail multidisciplinaire de lutte contre la délinquance et la criminalité sexuelle, présentait ce lundi 3 octobre les actes du colloque(1) qu’elle a présidé en 2004 sur le sujet en même temps qu’était quelque détaillée une toute récente proposition de loi déposée devant le Sénat par Marie-José Laloy (PS) et Jeannine Leduc (VLD).Cette dernière proposition vient à son heure, puisque, souligne Mme Zucker, rien n’a en réalité changé depuis la tenue du colloque de 2004: «Le statu quo règne en maître. Il y a cependant 7 viols par jour en Belgique et seulement 30% des victimes qui portent plainte
Il faut dire que le problème du viol est particulièrement complexe et fait intervenir de nombreux facteurs différents, si bien que la tentation est grande de le scinder et d’aborder ses composantes de façon spécifique et séparée. Or, note Danièle Zucker, «il est important, au contraire, de saisir l'inévitable continuité qui relie les différentes disciplines entre elles. On ne peut se contenter d'en aborder une et de laisser les autres en friche au risque de sombrer rapidement dans l'oubli. Forger une compréhension du phénomène dans son ensemble, mène à des actions cohérentes et non à des expédients dictés par une éventuelle urgence médiatique».
Et pas besoin, pour s’attaquer à ce qui reste un drame fréquent, de réinventer en quelque sorte l’eau chaude. «Ce livre se veut un rappel cinglant qu'il existe déjà en Europe, aux Etats-Unis et au Canada, des pratiques intéressantes dont l'efficacité n'est plus à prouver», fait remarquer Mme Zucker, ancienne chef de l’unité de crise et d’urgences psychiatriques au CHU Saint-Pierre, à Bruxelles.

Une situation préoccupante sur le plan judiciaire et policier

Danièle Zucker insiste fortement sur l’intérêt majeur de promouvoir une formation spécifique en la matière tant des policiers que des magistrats, d’autant plus que la situation sur le plan pénal est plus ou moins préoccupante, ce qu’atteste notamment le fait que si le nombre de plaintes a augmenté ces dernières années, le nombre de poursuites judiciaires et de condamnations est, lui, identique ou en décroissance.
L’établissement d’une banque de données ADN à jour est pour les experts de ce domaine une nécessité absolue. Et Zucker de citer les chiffres britanniques: «2 200 000 individus ont été enregistrés en mars 2003/2004 dans la banque de données anglaise et je pense que ce chiffre atteint les 2 800 000 depuis. Il va rapidement se stabiliser puisqu'il représente la population délinquante et criminelle du Royaume-Uni. Cette base de données ADN a permis d'élucider 40 000 crimes pendant l'année 2003/2004 c.à.d. 750 par semaine. En ce qui concerne plus précisément les viols et les agressions sexuelles graves, 12 correspondances s'établissent par semaine.» Le Royaume-Uni ne constitue cependant pas le modèle à copier, mais «il apparaît néanmoins indispensable de modifier la loi du 22 mars 1999 relative à l'identification par analyse ADN dans des affaires pénales». Et ce d’autant plus que l’analyse en question fonctionne en quelque sorte à charge et à décharge, puisqu’elle peut constituer l’élément clé qui permettra éventuellement d’innocenter radicalement un suspect.

Un plan en quatre points et une proposition de loi

Le groupe de travail a donc proposé un plan en quatre points:
1. Rendre l'analyse comparative plus systématique en permettant au Procureur du Roi ou au juge d'instruction de procéder à un prélèvement lorsqu'il existe des indices sérieux ou concordants que la personne visée présente un lien direct avec l'affaire dont il est saisi. Il ne faut donc plus qu'il y ait une trace de cellules humaines découvertes et recueillies dans le cadre de l'affaire en cours.
2. Elargir la banque «criminalistiqu » en y intégrant certains profils ADN d'échantillons prélevés. Le procureur et le juge d'instruction peuvent décider d'enregistrer dans la banque de données criminalistique tout profil ADN qu'ils jugeraient utile de conserver. En réalité 12 pays européens des profils ADN d'échantillon prélevé même si les critères de conservation ne sont pas toujours identiques (Autriche, France, Finlande, Allemagne, Hongrie, Hollande, Irlande, Pologne, Ecosse, Suède, Suisse, Angleterre), tandis que l'Estonie et la Norvège ont mis à l'étude un projet du même type.
L'effacement des profils ADN s'effectue dès qu'il s'avère que la personne en cause ne peut être l'auteur du crime ou du délit, dès qu'il y a acquittement, après une période de dix ans en cas de non-lieu.
Les membres du groupe de travail estiment important d’élargir la banque des données ADN «condamnés» en y intégrant une série d’autres délits graves.
C’est dans cette optique globale que Marie-José Laloy et Jeannine Leduc ont déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi modifiant le Code d'instruction criminelle afin d'élargir le recours à l'analyse ADN. Cette initiative devrait également permettre, souligne Mme Laloy, un grand débat de société sur la criminalité sexuelle et les moyens de prévention et de répression les plus adaptés qu'elle appelle.


(1) Viol: Approches judiciaires, policières, médicales et psychologiques, ouvrage collectif publié sous la direction de Danièle Zucker (grâce à l’aide de la Fondation Bernheim). Editions Kluwer (2005). 262 pages

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